Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/478

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Elle pensait :

— C’est bien cela ! je n’ai rien oublié !

— À votre tour, comtesse, dit le malade d’une voix qui tremblait.

Marguerite se mit en vue, sous les rayons unis des deux lampes, et cambra sa taille hardie. Elle était, en vérité, belle à miracle, plus belle, s’il est possible, que cette fleur de beauté qui s’épanouissait près d’elle, Nita de Clare, princesse d’Eppstein.

C’était l’avis de Nita, qui murmurait :

— Oh ! Madame ! Madame ! je suis comme si je ne vous avais jamais vue !

— Et, pourtant, me voilà bien vieille ! dit Marguerite en riant ; n’est-ce pas, Chrétien ? Voilà onze ans que nous sommes heureux ensemble !

Le comte l’appela d’un geste suppliant et plein de caresses.

Nita, devant la glace, faisait bouffer la gaze qui l’entourait comme un nimbe brillant.

— Je t’en prie, Marguerite, murmura Joulou dans un baiser ; oh ! je t’en prie ! sois bonne une fois ! pour les autres et pour toi ! nous avons fait une fortune inespérée. Je t’en prie, je t’en prie, arrête-toi !

Marguerite lui saisit la tête à deux mains et l’enveloppa d’un regard qui charmait :

— Te voilà bien portant, dit-elle. Tu vas revivre ! je le vois ! j’en suis sûre ! Je donnerais la moitié de mon sang à ce docteur Lenoir. Tu es le seul, le seul, entends-tu, que j’aie bien aimé ! Ma Brute ! mon roi ! Joulou de mes vingt ans ! Je veux que tu sois duc de Clare !

Les yeux du malade étincelèrent. La fièvre le brûlait de nouveau.

Elle reprit :

— Ne te mets pas entre moi et notre avenir. Tu serais obstacle, et tous les obstacles, tu sais, je les brise ! Chrétien,