Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/484

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gieux va-tout.

Il ne faut plus décrire, il faut raconter. Aussi bien, le récit décrira peut-être ; à une heure du matin, le coup d’œil était véritablement merveilleux, et Tolbecque, le vrai juge, avait déclaré du haut de son orchestre, que c’était un bal première qualité.

La comtesse et la princesse, seules démasquées au milieu de tous ces visages de soie, avaient fait jusqu’alors les honneurs avec une grâce charmante.

Ce fut à une heure du matin qu’elles mirent leurs masques toutes les deux, pour se mêler à la fête, — et que le dernier acte de notre drame commença.

Il y avait en ce moment un couple qui excitait très vivement l’attention : deux jeunes gens en dominos noirs, l’un svelte et fièrement proportionné, l’autre portant un embonpoint précoce qui n’ôtait rien à la grâce de sa taille et lui donnait même une sorte de majesté. Ils avaient des demi-masques sans barbes, et quand leurs dalmatiques de soie s’entrouvraient on voyait à leurs poitrines de longues brochettes d’ordres étrangers.

Dans la première série des Habits-Noirs, le fils de Louis XVII a joué un rôle ; dans le présent récit, il ne fera que passer.

Sous le masque, celui des deux jeunes gens qui était gros, laissait deviner un profil absolument bourbonien, et cela occupait beaucoup ce monde pour qui le roi ne s’appela jamais Louis-Philippe. On avait ici peu de sympathie pour le prétendu Louis XVII, et son fils, M. le duc de B…, n’inspirait que de la curiosité.

Mais il inspirait une énorme curiosité.

Son compagnon, celui qui avait une taille élancée, paraissait pour la première fois dans un salon parisien. Il avait nom le prince Orland Policeni. Il venait de Rome, où il avait, disait-on, manqué un grand avenir ecclésiastique en refusant de prononcer des vœux, et allait près du roi de Naples qui lui donnait un grade dans ses gardes du corps.

Nul ne saurait expliquer comment ni pourquoi aujourd’hui, justement, la romanesque histoire de la nuit du mardi gras, oubliée depuis dix ans, et tout d’un