Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/486

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Cette armée-là n’inspire aucun soupçon parce qu’elle n’en mérite aucun. Elle est honnête, noble, fière, candide. Elle manœuvre à cent coudées au-dessus des viles intrigues qu’elle sert. Mais elle les sert, et d’autant plus puissamment, qu’elle n’est jamais complice.

Ceux qui savent jouer de cet orgue puissant et terrible qui a nom « tout-le-monde » obtiennent de magiques résultats.

À mesure que les touches du vivant clavier sonnaient sous un doigt invisible et habile, les histoires du passé revenaient pour ceux qui les connaissaient vaguement, pour ceux aussi qui jamais n’en avaient entendu parler. Dans ce monde où nous sommes, les choses les plus scabreuses se disent aisément. La langue du mépris est riche. Ils ont une façon aisée et toute naturelle d’exprimer les idées devant lesquelles nos plumes reculent. C’est simple. Cela ne révolte pas. Les jeunes filles l’écoutent froidement. Il semble qu’on parle de choses scientifiques ou chinoises.

On parlait donc de cette maison du boulevard Montparnasse, d’où sortit l’héritier de Clare pour être poignardé. On appelait presque la maîtresse de cette maison par son vrai titre.

C’est du latin que cette langue noble ! Elle nomme un chat un chat. Mais de quel ton !

Et c’était, je vous l’affirme, d’un intérêt profond. Toutes les péripéties de cette nuit lugubre y passaient. On montait les cinq étages de la pauvre duchesse Thérèse. On entrait au couvent de Bon-Secours, derrière la civière qui portait le blessé. On voyait, penchés à son chevet, le duc Guillaume, la mère Françoise d’Assise, et cette enfant qui était maintenant une radieuse jeune fille.

La princesse Nita d’Eppstein.

Le duc et la religieuse étaient morts. La princesse d’Eppstein allait-elle reconnaître le blessé de Bon-Secours et lui rendre son opulent héritage ?

Il y avait, à tout prendre, un dénouement possible et heureux : des fiançailles.

Ils étaient beaux tous deux, jeunes, riches, nobles…

Mais pourquoi s’était-il enfui du cou-