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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/495

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bonne pièce mal interprétée ? une déroute : la pièce de Marguerite était bonne, quoique hardie au-delà des limites permises de la témérité. Pour jouer cela, il fallait du vitriol dans les veines de ses marionnettes.

Le lecteur a deviné depuis longtemps que le Buridan de la princesse d’Eppstein était Roland de Clare, M. Cœur en personne. Avant de suivre Roland et Nita dans ce sanctuaire, préparé par Marguerite pour la fête pure et charmante de leurs jeunes amours, il nous faut accompagner encore, pour un moment, cette Marguerite qui avait pris sur ses belles épaules le poids d’un monde à soulever.

Nous l’avons vue quittant le bal où elle avait mis en scène, dans toute la rigueur du terme, le prologue de son effrontée comédie.

Dans ce prologue, elle avait dit son dernier mot ; le reste du premier tableau pouvait et devait se jouer sans elle. Il faut les entr’actes pour reprendre haleine, souffler et changer de costumes.

Dans l’escalier qu’elle montait à la hâte pour gagner son appartement, le vicomte Annibal Gioja la suivait essoufflé.

Sa première et sa seconde femme de chambre attendaient à la porte de son boudoir. Elle refusa leurs services, disant :

— Ce dont j’ai besoin, c’est une minute de repos. J’étouffe.

Elle entra et poussa le verrou sans bruit derrière elle. Annibal l’accompagnait toujours.

Du repos, cette nuit ! quelle moquerie ! Vous allez voir comme Marguerite se reposait !

— Monsieur le vicomte, dit-elle en ouvrant à deux battants l’armoire laquée dont elle avait emporté la clef, dans votre beau pays, on prétend que les hommes ont très souvent des talents de femme.

— On le prétend, belle dame, répondit Gioja qui se mit dans une bergère et s’éventa avec son mouchoir de batiste brodé.

— J’ai besoin d’une camériste, reprit la comtesse.

Annibal eut son sourire d’ivoire, et repartit doucement :

— C’est un autre emploi que j’avais es-