Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/529

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ragement soudain, mais noté d’avance :

— Vous ne m’aimez plus, parce que je viens m’offrir à vous !

Et avant que Léon eût le temps de protester, elle ajouta en un pétulant éclat de voix :

— Ou bien vous ne croyez pas au danger !

Écoutez ! s’interrompit-elle, désordonnée et si belle que tout le cœur de Léon se suspendait à ses lèvres, j’aurais mieux fait de vous dire tout de suite où j’en suis, mais la fille du duc de Clare, qui se jette à la tête d’un homme étonné, presque effrayé…

— Madame, dit Léon, d’une voix grave, vous n’avez pas voulu que je reste à genoux.

— Oh ! que vous êtes bon et noble ! s’écria-t-elle. Je vous aimerai, je vous aimerai… Ne suis-je pas trop jeune, dites, Léon, pour être ainsi assassinée ?

— Assassinée ! répéta Léon qui bondit.

Elle lui saisit les deux mains avec une force convulsive.

— Surtout ne me croyez pas folle ! prononça-t-elle d’une voix creuse et qui sortait péniblement. C’est là le péril. L’idée de folie viendrait pour moins que cela. Ils sont ligués tous deux, ce M. Cœur et Marguerite, ligués étroitement. Il a fallu que je le voie pour le croire. Ce M. Cœur doit m’épouser, c’est convenu entre eux pour éviter tout procès. Je serai sa première femme, comme le comte, mon tuteur, est le premier mari de Mme la comtesse !

Ces derniers mots sonnèrent, lugubres, dans le silence de la maison solitaire.

— Comprenez-vous ? demanda Marguerite.

Et comme Léon de Malevoy ne répondait point, stupéfié qu’il était par l’horreur de cette révélation, elle ajouta en se laissant enfin tomber à ses côtés sur un siège :

M. le comte mourra, moi aussi : la comtesse et cet homme seront le duc et la duchesse de Clare !