Page:Féval - L'Homme de Fer - 1856 tome 2.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et combien de bon cœur elle lui cédait le bénéfice de celle seconde rivalité !

Quant à l’autre, pauvre Jeannine ! ne vous suffit-il pas qu’elle ait perdu son gai sourire ?

Aubry ! Aubry ! depuis quinze jours, ce nom était sur sa lèvre et dans son cœur. Mais elle ne mentait pas quand elle disait à Berthe : « Non, mademoiselle, je ne suis pas votre rivale. »

Elle ne mentait pas, car on ne pêche que par la volonté. Or, la pauvre Jeannine s’était enfuie du manoir du Roz précisément pour n’être pas la rivale de la fille de Maurever.

Elle aimait, c’est vrai ; mais elle combattait son amour.

Et il y avait en elle de ce bon sang de Jeannin, de ce sang qui fait battre les cœurs dévoués jusqu’au martyre. Elle savait déjà souffrir.

Berthe se trompait. Jeannine était son amie plus que jamais. Seulement, Jeannine ne pouvait plus se livrer aux joyeuses caresses qui égayent les entretiens de jeunes filles. Elle se sentait condamnée depuis le jour où elle avait quitté le Roz. Elle n’espérait plus.

Et l’amour obstiné d’Aubry lui faisait peur.

Peur et plaisir, hélas ! car elle était fille d’Ève.

— Ah ! reprit Berthe intriguée, tu as des raisons de penser cela ? Quelles raisons ?

Au lieu de répondre, Jeannine tira de son sein