Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Marquise, répondit le colonel, moi, je n’ai jamais eu de nerfs ; si j’en avais eu autrefois, ils seraient fondus, depuis le temps.

— Mais c’est inconvenant ! s’écria Mme d’Ornans, au comble de l’agitation ; je ne suis pas collet monté, mais ceci passe les bornes… Une jeune fille de son âge !

— Ce sera une femme dans trois semaines, bonne amie.

— Que va-t-elle faire ?

— Je n’en sais rien.

— Il faut courir.

— Gardez-vous-en bien. Je ne demande pas mieux que de vous offrir mon bras, car vous voilà dans un état pitoyable, mais ce sera pour regagner votre table de whist. Je suis un peu médecin, vous savez, et je connais votre tempérament sur le bout du doigt. Je vous ordonne un rob et une tasse de thé au lait.

Tout en parlant, il s’était levé à son tour et présentait son bras galamment à la vieille dame, qui le regardait d’un air courroucé.

— Bonne amie, reprit-il, parlons un peu raison. Nous ne pouvons pas la refaire, n’est-ce pas ? elle est élégante, fine, spirituelle ; elle a, je l’espère, un excellent petit cœur ; elle portera, en un mot, fort dignement, c’est moi qui vous en réponds, le nom du mari que vous lui donnerez : Mais vous savez où nous l’avons prise !

J’ai connu une charmante enfant qui avait eu la danse de Saint-Guy, vers l’âge où on l’a ; elle se