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Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/187

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agréable causeur, mais médiocre convive, parce qu’il mangeait moins encore qu’il ne dormait.

Une alouette eût jeûné si on l’eût condamnée à son régime.

Il s’assit néanmoins gaillardement vis-à-vis de sa vieille amie et déclara qu’il était en disposition de faire une petite débauche cette nuit.

— Que vous a dit M. d’Arx ? demanda la marquise en lui servant un blanc de poulet mince comme une feuille de papier à lettre.

— Rien, répondit le colonel, le cher garçon n’y était plus du tout ; il avait l’air d’un homme qui vient de tomber d’un troisième étage.

— Mais enfin vous avez pu deviner ?…

— D’excellentes choses, oui, marquise. Il m’a jeté un regard effaré et s’est sauvé plus vite que si le diable eût été à ses trousses.

— Et cela vous fait supposer ?…

— Une réussite complète. Je le connais : il a le bonheur sauvage et l’allégresse mélancolique.

Il se prit à rire tout doucement et tendit son verre par-dessus son épaule en disant au domestique qui servait :

— Une véritable orgie, Germain ! je me sens gai comme un pinson et je veux boire un demi-doigt de vin pur.

— Moi, je ne suis pas gaie, bon ami, reprit la marquise avec impatience ; il y a des moments où toutes ces charades me fatiguent. Je suis fort mécontente de Mlle de Villanove.

— Merci, Germain, dit le colonel au domestique.