Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/204

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mais nous n’aurons qu’une entrevue de cette sorte. Ma détermination est bien prise, rien ne pourrait la changer, je te ramènerai avec moi à l’hôtel, ouvertement, en triomphe, devrais-je dire, car je suis fière de toi, je suis fière de t’aimer. Je te prendrai par la main, nous monterons ensemble chez Mme la marquise ; tant mieux si le colonel Bozzo est là ! elle et lui sont les deux seules personnes qui aient des droits sur moi.

« Avec toute autre jeune fille, ce qui va suivre aurait l’air d’un enfantillage ou d’un roman, mais ma position n’est pas celle des autres jeunes filles : crois-moi sur parole, j’ai beaucoup réfléchi et je te parle sérieusement.

« Je dirai à Mme la marquise et au colonel que tu peux regarder l’une comme ma mère d’adoption, l’autre comme mon tuteur ; je leur dirai : « Voici Maurice ; il n’est ni riche ni noble, mais je l’aime et je veux être sa femme. » S’ils acceptent, que Dieu soit béni ! nous serons leurs enfants et ne t’inquiète pas du monde : le monde nous applaudira puisque nous serons riches ; s’ils refusent, je redeviens Fleurette. C’est Fleurette que tu aimais et non pas Mlle de Villanove ; nous sommes jeunes tous les deux et nous pouvons faire d’autres métiers que celui de saltimbanque, nous travaillerons, nous serons heureux. N’aie pas peur qu’avec toi je regrette jamais le somptueux hôtel où j’ai passé deux années ; ce sera dans mon souvenir comme un rêve brillant, il est vrai, mais trop souvent douloureux.… »