Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/301

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rides profondes ; ses yeux grands ouverts et mornes regardaient le vide.

Il n’avait pas bougé depuis le départ de Maurice et le travail de sa pensée était si intense que les muscles de sa face semblaient pétrifiés.

Quand pour la première fois ses lèvres remuèrent, il prononça ces mots :

— C’est lui qu’elle aime !

Et il ajouta presque aussitôt après :

— Sans lui, elle m’aimerait !

Sa paupière se baissa et ses doigts se crispèrent dans ses cheveux.

— Elle me l’a dit, poursuivit-il parlant à son insu et laissant entre chaque phrase de longs intervalles ; il y a un lien entre nous, quelque chose la pousse vers moi et le danger de la lutte où je me suis jeté tête baissée l’épouvante. Pourquoi ? Je lui ai rendu un service grave, mais avant le service rendu, elle s’occupait déjà de moi : pourquoi ?

Le dossier de Maurice restait ouvert devant lui ; il l’écarta d’un geste fatigué et répéta d’une voix où il y avait des larmes :

— C’est lui qu’elle aime !

Une angoisse plus aiguë lui traversa le cœur, car la pâleur de sa joue s’empourpra tout à coup et il porta la main à sa poitrine.

— Il est bien jeune, murmura-t-il ; que m’a-t-il fait ? Savait-il seulement que j’existais ? Que de bonheur un mot écrit de ma main pourrait lui rendre ! Mais pourquoi écrirais-je ce mot ? Mon bonheur à moi, tout mon bonheur, il me l’a pris ! Et sans moi