Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/350

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aussitôt un appel, mais M. d’Arx, usant d’un droit extrême, a délivré, je dois le dire, à la stupéfaction générale de tout le parquet, une mainlevée du mandat de dépôt et le lieutenant Pagès est aussi libre que vous et moi.

— Exact ! dit M. le baron de la Perrière en s’approchant, et cela ne laisse pas que de paraître un peu singulier à ceux qui connaissent…

Il fut interrompu par un murmure qui s’élevait dans le salon. M. Remy d’Arx entrait donnant le bras à la comtesse Corona.

Le petit conciliabule présidé par Mme de Tresme se dispersa aussitôt, et ses membres ne furent pas les moins empressés à entourer le nouvel arrivant.

Il n’y avait, en vérité, rien d’exagéré dans le dire de Mme de Tresme : en deux semaines, Remy d’Arx avait vieilli de dix ans, pour le moins.

Sa taille élégante s’était amaigrie ; ses traits, naguère si beaux, creusaient et tourmentaient leurs lignes ; des mèches grisonnantes marbraient le noir de ses cheveux, et son front s’inclinait sous je ne sais quel poids qui semblait écraser tout son être.

Il regarda d’un œil troublé ceux qui venaient à sa rencontre et qui, tout en lui faisant mille démonstrations affectueuses, l’examinaient avec une implacable curiosité. L’expression de sa physionomie était craintive et comme farouche.

Bien des regards d’intelligence furent échangés entre les intimes de l’hôtel d’Ornans.

Chacun remarqua le regard triste que Remy jetait sur la corbeille et ses accessoires.