Page:Féval - L’Arme invisible, 1873.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dinaire ; sa tête, écrasée, s’enfonçait entre deux épaules d’une largeur énorme.

Il était laid, il était triste ; il faisait peur.

Pourtant, à le bien regarder, il n’avait point ce qu’on appelle l’air méchant, et le brutal ensemble de ses traits dégageait je ne sais quelle expression de douleur résignée.

Il avait été soldat, bon soldat, et même sous-officier, comme son sobriquet de Marchef l’indiquait. Il ne racontait son histoire à personne, mais on disait qu’il avait été trompé par une femme, et qu’il l’avait tuée dans un transport d’amour jaloux. Il s’était enfui après ce meurtre, et on avait trouvé son rival couché sur une grande route avec la tête broyée.

Quand il eut refermé les portes, il resta immobile auprès du seuil.

— Bonhomme, lui dit l’Amitié en essayant de prendre un ton léger, nous avons de la besogne : il va faire jour cette nuit.

Coyatier ne répondit point.

— Tu n’es pas plus bavard qu’à l’ordinaire, reprit l’Amitié, dont l’accent se raffermit, mais tu es un garçon de bon sens et tu sais bien que nous t’avons mis une corde au cou une fois pour toutes. Tant que nous serons contents de toi, la justice aura beau faire et beau dire, tu n’a rien à craindre ; mais le jour où tu désobéiras…

— J’attends ! interrompit le marchef avec rudesse.

— À la bonne heure, nous sommes d’accord. C’est rue de l’Oratoire-du-Roule, no 6.