avec le bras en écharpe. Cela le mit à la mode ; une belle dame, dont les conseils avaient de l’influence sur le chef de l’État, demanda pour lui une mission diplomatique et l’obtint.
Ce fut ainsi qu’il vint à Paris, chargé de régler officieusement des indemnités fort importantes.
À Paris, bien qu’il tînt grand état, la différence absolue des mœurs et la gaucherie qu’il avait à s’exprimer dans notre langue exagérèrent sa timidité naturelle. Il vécut à l’écart ; dans le monde parisien, il passa pour une sorte de sauvage poussant l’austérité des mœurs jusqu’au stoïcisme.
Par le fait, ses fredaines se bornaient à payer à une danseuse les appointements d’un ministre.
Ce fut le hasard qui plaça sur sa route la Gloriette, un jour qu’il visitait le Jardin des Plantes.
La passion le prenait comme un coup de foudre. Là-bas, au Brésil, il eût fait enlever la jeune femme dès le soir même. À Paris, il avait peur ; il se mit à jouer le rôle d’un sombre et maladroit Céladon.
Pendant des jours et des semaines, il suivit la Gloriette comme s’il eût été son ombre.
Nous savons comment se termina sa poursuite et par quel grossier mensonge il trompa l’amour maternel de la Gloriette.
Nous savons aussi qu’il lui promit mariage.
Nous n’ajouterons plus qu’un mot : il y avait un vivant obstacle à l’accomplissement de cette promesse : la première duchesse de Chaves était sur le bâtiment qui emmenait la Gloriette au Brésil.
XXII
Madame la duchesse de Chaves
À la porte d’Orléans, entre les deux grandes avenues, s’ouvre une route de chasse qui coupe le bois en diagonale dans toute sa largeur, passant à travers ces fourrés solitaires que la foule des promeneurs du lac ne connaît même pas.
Car il y a des gens qui vont trois cent soixante-cinq fois par an au bois de Boulogne et qui font trois cent soixante-cinq fois le même tour.
Ainsi est bâti le peuple le plus spirituel de l’univers.
Hector et sa compagne marchaient au pas à l’ombre des grands arbres. Ils parlaient précisément de cette première duchesse de Chaves que nous avons nommée à la fin du précédent chapitre. La voix de Lily avait baissé son diapason malgré elle, son accent était lent et triste.
— Je vivais fort isolée sur ce paquebot, dit-elle, votre oncle avait acheté tous ceux qui auraient pu me renseigner. Je voyais souvent sur le pont cette jeune femme admirablement belle, mais triste, dont la pâleur était encadrée dans ses longs cheveux noirs. Pas une seule fois, monsieur le duc ne lui parla devant moi, et ce fut des années après seulement que je connus son nom.
« Elle s’appelait comme je me nomme maintenant, madame la duchesse de Chaves.