Il y avait un bateau, un seul, et dans le bateau, un pauvre homme qui pêchait pour apporter le pain du soir à ses enfants.
Les gens de la rivière connaissent bien cette posture des désespérées. L’homme du bateau cria :
— Ma pauvre belle, il fait trop froid, rentrez chez vous.
Clotilde ne l’entendit pas.
Et peut-être qu’elle ne pensait pas encore à mourir.
Cela lui vint tout d’un coup. Elle regarda l’eau et son front s’éclaira. L’idée de refuge naissait. Elle se leva. L’homme du bateau cria encore :
— Vous savez, l’enfant, je vas être obligé de démarrer pour vous repêcher et les petits pleurent après leur soupe.
Elle s’arrêta. Entendit-elle ? Mon Dieu non.
Seulement, sa main qui étreignait son cœur avait rencontré les papiers de l’hôtel Fitz-Roy.
— Ce n’est pas à moi, dit-elle ; avant de m’en aller, je dois rendre cela.
Et elle tourna le dos à la rivière, remontant le champ comme elle l’avait descendu, lentement, la tête droite, semblable à une statue qui marche.