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PREMIÈRE PARTIE.

des géants. Elle suivait ces féeriques colonnades et ces escaliers prodigieux dont la bizarre et gigantesque structure semble le produit d’une imagination de poëte ; elle franchissait ces ponts surnaturels dont l’arche tremble au-dessus de l’abîme.

D’autres fois encore, elle descendait au bord des grands lacs ; sa main blanche maniait la rame, et, cachée dans la brume épaisse, elle voguait d’île en île, chantant à son insu et rêvant doucement.

Puis, le soir venu, elle remontait le Mamturck et s’asseyait à la table de famille auprès de Jessy O’Brien, la joyeuse enfant qui lui souriait et qui l’aimait…

C’étaient des jours bien heureux. L’étranger pouvait posséder les riches domaines de Diarmid et asseoir sa demeure toute neuve auprès du vieux château qui chancelait.

Ellen n’allait point songer à ces splendeurs passées. Elle n’avait ni désirs ni regrets ; elle était heureuse de vivre, heureuse d’être belle, et sa prière montait vers Dieu le soir, comme un doux chant de reconnaissance et d’amour.

Maintenant Ellen était triste ; ses grands yeux noirs avaient appris les larmes.

Tout avait changé autour d’elle : Jessy n’était