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DEUXIÈME PARTIE

tout son courage, elle avait bravé les tempêtes du canal Saint-George.

Les femmes comme mistress Daws ont des yeux souvent assez laids, mais qui ne voient point.

Il y a comme une lentille absurde et fantastique entre elles et la réalité. Leur mémoire terrible se met au-devant de leur prunelle ; elles ne regardent point, elles se souviennent.

Elles ont lu tant de poëmes et tant de romans !

La nature est pour elles un plagiat, une copie souvent pâle et mauvaise des belles descriptions qui les ont charmées.

Mistress Daws avait trouvé la mer prosaïque ; les grandes vagues ne lui avaient point donné suffisamment à rêver.

Aux premiers pas qu’elle avait faits en Irlande, elle s’était indignée de trouver sur son chemin des êtres gardant à peu près la forme humaine ; elle eût voulu des orangs-outangs, ou tout au moins des Caraïbes peints en rouge et s’entre-tuant avec des arêtes de poisson.

N’était-ce pas odieux ? Il y avait de beaux lacs, de vertes campagnes et des monts dont la croupe harmonieuse s’arrondissait à l’horizon.

Que faire de tout cela ?