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DEUXIÈME PARTIE

siez dit des êtres à l’âme cruelle et sans pitié. Leurs maigres visages rayonnaient à l’idée du sang versé. Il semblait qu’il n’y eût rien, dans ces cœurs viciés avant l’âge, que haine implacable et férocité froide. Quelque part dans les bogs ils trouvèrent une vieille mendiante, gisant à terre et se mourant de faim.

Ceci est, hélas ! bien commun dans le Connaught.

Et voilà les deux enfants, agenouillés auprès de la pauvre vieille ; et les restes du repas, gardés si précieusement dans la prévision de la faim redoutée, sont prodigués généreusement…

— Prenez tout, notre mère, prenez tout, tout, tout !… Oh ! la faim fait tant souffrir !… Pauvre femme ! nous sommes jeunes, nous… Mangez et que Dieu vous bénisse !

Et leurs visages avaient pris d’angéliques douceurs ; leurs yeux se regardaient, humides ; ils s’embrassaient, écoutant la voix inconnue de leur conscience et surpris d’avoir tant de joie, eux qui venaient de donner leur dernier morceau de pain !

Ils se reprirent la main. Leur course était plus légère. Vous eussiez suivi dans la brume éclaircie les caprices de leurs bonds gracieux.

Ils avaient dans le cœur la naïve bonté du