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LES SAXONS.

nie ! laissez, laissez l’Irlande se redresser avant que vienne l’heure du dernier râle ! Elle souffre trop, cette terre à l’agonie ; n’attendez plus, car un jour encore, et le cœur de l’Irlande aura cessé de battre… »

Morris donnait à ces tableaux, pâlis sous notre plume, la force vive qui est le propre de l’éloquence. Ses paroles brûlaient. Un silence de mort pesait sur la foule oppressée.

Chacun écoutait cette voix triste et grave qui disait la ruine de la patrie.

Morris avait rejeté en arrière le voile rouge qui le masquait naguère. Son noble visage apparaissait, éclairé faiblement par les lueurs mourantes du foyer où quelques troncs de bog-pine achevaient de se consumer. Ses longs cheveux, tombant sur ses épaules, encadraient son front pâle où Dieu avait mis le signe de l’inspiration. Ses grands yeux s’élevaient vers le ciel, et il y avait un mélancolique sourire à l’entour de ses lèvres.

Le brave roi Lew et Mahony le Brûleur l’écoutaient bouche béante. Les gens qui se groupaient sur le tertre s’étaient rapprochés, et leur attitude témoignait de leur attention émue.

L’un d’eux s’avança doucement et baisa la main de Morris par derrière.