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DEUXIÈME PARTIE

m’apercevant point derrière les carreaux de ma fenêtre.

« Vous étiez bien pâle, Morris ; votre démarche chancelante accusait la fatigue d’un long voyage, et votre haute taille se courbait sur le shillelah qui tant de fois écarta les pierres au-devant de ma course. Votre visage défait disait votre peine.

« Je souffrais à vous voir si triste, mais que j’étais heureuse ! Votre souffrance ne me parlait-elle pas de votre amour ?…

« Et vous veniez me chercher, me chercher de si loin ! seul, à pied ! c’était à moi que vous aviez pensé durant toute la route !

« Mais ma voix s’étouffait dans cette chambre étroite, elle n’arrivait point jusqu’à votre oreille ; vous restiez triste et courbé ; vous avanciez toujours, et l’angle de l’enclos allait vous cacher à mes regards…

« Il me semblait en ce moment que ne plus vous voir, c’était perdre ma dernière espérance !

« Je vous appelai encore, ma poitrine se déchirait à vous appeler.

« Ma voix se glaça dans ma gorge ; je ne vous voyais plus…

« Je tombai à la renverse. Au lieu de vous, Morris, ce fut Mary Wood, la servante saxonne,