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Page:Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 3.djvu/11

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LE CHATEAU DE MONTRATH.

et où les jeunes filles se prennent d’amour pour des nœuds de cravates.

Écrire est désormais, parmi les femmes de Londres, un travers endémique. On est bas-bleu comme on est poitrinaire, c’est le climat.

Lady Georgiana Montrath était à l’œuvre.

Elle racontait pour la centième fois cette histoire éternelle de Lovelace, que les plumes anglaises écrivent toutes seules dès qu’on les laisse courir. C’était délicat, gracieusement distingué, mais puéril au degré suprême. L’observation s’y montrait d’une finesse microscopique, et l’importance des événements rappelait le fameux bracelet perdu et retrouvé d’Artamène.

Lady Montrath avait laissé la plume ; son regard fatigué ne dénotait point une inspiration très-fougueuse ; il y avait de l’ennui sur ses jolis traits. C’était comme un à-compte sur le succès de son livre.

Elle avait repoussé son fauteuil, et de temps à autre un bâillement venait entr’ouvrir ses lèvres.

Au bout de quelques minutes sa pensée quitta le domaine littéraire et revint parmi les choses de la vie. Alors sa physionomie changea ; l’ennui fit place à la tristesse.

Elle se leva et gagna la fenêtre, qui donnait