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Page:Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 3.djvu/159

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LE CHATEAU DE MONTRATH.

Il m’aime encore, reprit-elle ; le sais-je ?… cette nuit je n’ai pu suivre sa course mystérieuse… Suis-je bien sûre qu’une autre femme ?…

Ses sourcils se rapprochèrent, et ses yeux eurent ce sombre regard de la femme jalouse. Sa prunelle glissa entre ses longs cils et se fixa un instant sur Owen.

— Il dort, dit-elle ; qu’il est beau !… Seigneur, Seigneur ! que je l’aime !… Oh ! j’avais tout oublié !… j’avais oublié trop vite, mon Dieu ! et il ne m’était pas permis d’être heureuse…

— N’avancez pas ! dit Owen en ce moment avec cet accent précipité que donnent les rêves, ne la tuez pas !… je l’aime ! je l’aime ! je l’aime !

— Est-ce de moi qu’il parle ? murmura-t-elle avec un amer sourire.

Son regard se fixait, avide, sur Owen, qui restait bouche béante et respirait avec effort. Elle se leva et vint se mettre debout à la tête du lit. Ses bras se croisèrent sur sa poitrine. Son œil avait perdu ses rayons ardents. Un découragement froid était sur son visage.

— Qu’il m’aime ou non, dit-elle, où prendre désormais un motif d’espérer ?… Il faut que je m’éloigne… il faut que je m’éloigne s’il a quitté notre couche cette nuit pour chercher d’autres