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Page:Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 3.djvu/48

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TROISIÈME PARTIE.

d’avoir peur ; on colore, on poétise, on exagère. Si bien que la crainte grandit, et qu’on se meurt d’épouvante, pour avoir cherché à se rassurer.

Francès elle-même avait été sérieusement émue par le récit de Georgiana. Quelques circonstances de cette étrange histoire lui avaient donné à penser ; elle avait accepté un instant le crime pour vraisemblable ; elle avait frémi aux menaces de cette femme mystérieuse, dont l’obsession poursuivait son amie.

Mais cette émotion, Francès l’avait subie, en dépit de sa raison pour ainsi dire. Elle s’était révoltée plus d’une fois contre la persuasion qui se glissait en elle.

Elle se souvenait. Toute petite, Georgiana faisait des romans. Elle arrangeait les choses de la vie en drames mignons, et savait saupoudrer de mystères les plus vulgaires incidents.

C’était sa vocation que d’embellir ainsi le réel. Il y avait en elle, au plus haut degré, cet élément romanesque qui est une maladie chez les Anglaises. Elle s’entourait à plaisir d’une atmosphère convenue ; elle arrangeait le monde en théâtre, disposant avec une adresse infinie ses décorations, ses trappes et ses doubles fonds. Francès savait cela.