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Page:Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 3.djvu/64

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TROISIÈME PARTIE.

Il avait braqué son binocle sur le pont du sloop, et son regard ne s’en détachait point. Sa gaieté de tout à l’heure avait disparu. Il y avait un nuage sur son front.

— Comme il avance ! dit Georgiana ; dans deux minutes, nous allons pouvoir distinguer les traits de ses passagers.

Lord George ne répondit point ; il avait les dents serrées, et le rouge uniforme de son visage arrivait à une sorte de pâleur.

Francès, elle, ne faisait point attention au sloop ; ses yeux suivaient obstinément le fermier irlandais qui allait la tête penchée tristement et les bras croisés sur sa poitrine…

Le sloop avançait. À mesure qu’il s’approchait du rivage, les vagues, plus hautes, soulevaient sa coque légère. On devait croire encore qu’il voulait ranger le cap, car il n’y avait point de havre en ce lieu, et les nombreux écueils rendaient l’atterrissage presque impossible. Cependant sa marche rapide formait angle avec la ligne du rivage. Il tenait obstinément son beaupré sur la pointe même de Ranach. Quelques secondes encore, et tout changement de direction allait devenir impossible.

La femme qui était debout sur le pont avait auprès d’elle quatre laquais en livrée ; elle éten-