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O’CONNELL.

Un instant O’Connell, sur le point de mettre le pied dans la chaloupe, se trouva entre les dragons de la reine et le groupe silencieux des ribbonmen.

C’était comme une image matérielle de sa mission en cette vie.

Quand il fut passé, Percy Mortimer et Morris Mac-Diarmid échangèrent un long regard. On eût dit deux athlètes se mesurant avant la lutte prochaine.

C’était l’Angleterre vis-à-vis de l’Irlande.

Ils représentaient deux principes ennemis, forts tous les deux et impérissables parce qu’ils sont absolus : l’un tenait le drapeau de la conquête, l’autre relevait dans l’ombre l’étendard de la nationalité.

Entre eux il y avait cet homme, ce roi, ce triomphateur, dont la victoire ajournait leur bataille.

Mais ils pouvaient attendre. Ils étaient jeunes tous les deux, et ils voyaient le pas du demi-dieu chanceler sous un lourd fardeau de vieillesse…

La chaloupe accosta le steamer, dont les grandes nageoires se prirent à osciller en divers sens, comme si le moteur puissant, mais aveugle, n’eût point su de quel côté diriger leur