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LA GALERIE DU GÉANT.

Jessy O’Brien était étendue sur son lit, faible et brisée. Elle ne sentait plus les élancements aigus de la faim, parce que tous ses organes étaient engourdis par l’épuisement. Il y avait trois jours qu’on ne lui avait donné de nourriture. Il y avait douze heures à peu près qu’elle avait sacrifié son dernier pain pour servir d’enveloppe au paquet de linge qui contenait sa plainte suprême. Au moment où elle avait jeté le pain par l’ouverture oblique de la meurtrière, elle éprouvait déjà toutes les tortures de la faim.

Et il y avait douze heures !…

Elle tâchait de prier et de donner son âme entière à la pensée de Dieu. Mais bien souvent l’image de Morris venait troubler sa méditation pieuse et lui parler des joies de la vie, à elle qui allait mourir.

En ces moments le désespoir combattait sa douce résignation. Un cri s’échappait de sa poitrine et s’enflait, grossi par les échos de la voûte ronde. Elle appelait Morris à son secours, et elle demandait grâce à ses invisibles bourreaux.

Puis la pensée d’une vie meilleure, où elle retrouverait Morris, descendait comme un baume sur la blessure de son âme ; elle se taisait, résignée, jusqu’à ce qu’un autre élan de désespoir vînt secouer son agonie.