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Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/148

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» Dans notre village, qui n’était pas loin de la ville, on faisait l’élève des chevaux. À cause de cela, chaque ferme avait de grandes et belles écuries. Quand les troupes passaient, on mettait les fantassins à la ville et les cavaliers chez nous. »

— Quel nom a votre village ? demanda ici le général.

— Saint-Yon, Saint-Mesme ou Saint-Jacques, répondit Thérèse. Avez-vous de la curiosité pour si peu ?

— Et près de quelle ville est-il situé ?

— Auprès de Dijon, d’Orléans ou bien d’Arras. Je veux laisser un voile à ma pauvre amie Madeleine qui était si joyeuse, et qui pleura tant de larmes de sang !

Le comte se tut. Thérèse poursuivit :

« Une fois, il vint dans mon village un régiment si beau, si beau que tout le monde quitta les champs pour le voir passer sur la route. C’étaient des cavaliers. Ils avaient des vestes rouges qui fuselaient la taille des jeunes officiers comme font les corsets pour les femmes.

» Pourquoi les soldats ont-ils le même genre de coquetterie que les femmes ?

» Celui de Madeleine, car Madeleine aima un soldat, la pauvre créature, mettait du noir sur sa moustache et de l’essence dans ses cheveux. Et il avait un corset plus étroit que la ceinture de Madeleine.

» Ils portaient des pantalons bleus avec de larges bandes d’argent. Leurs bottes éperonnées brillaient au soleil. Sur leurs têtes, les chapskas étincelants s’inclinaient et le vent jouait avec les minces banderoles qui flottaient au bout de leurs lances… »

Le général changea de position sur la ban-