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Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/319

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Mathurine abandonna son trou pour venir habiter une ferme qui se trouva être à elle, comme beaucoup d’autres aux environs.

Elle prit un banc à l’église et donna un gros sou à la quête.

Du passé, personne ne parla : au moins tout haut.

Il y avait autour d’elle un vague rempart de respect. Elle faisait peur et admiration comme ces incroyables histoires qu’on ressasse aux veillées.

Mais elle était longue, l’histoire de Mathurine : elle ne finissait pas en une fois.

Pendant des mois et des années, ce fut chaque jour quelque surprise nouvelle ; on apprenait, on apprenait sans cesse. Mathurine était bien riche, la veille ; le lendemain, elle était toujours plus riche encore. Ceux qui aiment rire l’appelaient tout bas la marquise de Carabas, mais ce n’était point pour se moquer.

Dieu du ciel ! qui donc serait assez impie pour se moquer du saint argent !

Seulement, à force d’apprendre, il y avait des gens qui redevenaient incrédules. Peut-on posséder tant que cela ? Il y a des richesses impossibles !

Elle traversait, la Goret, d’un pas majestueux et calme ces admirations et ces doutes. Du moment qu’elle avait laissé voir sa fortune, elle sentait qu’elle avait droit à la publique dévotion. Son genre de vie était à peu près le même qu’autrefois, sauf qu’elle mangeait abondamment et buvait sans se gêner.

Au presbytère et à la mairie on commençait à dire qu’elle « faisait beaucoup de bien ».

Et certes, cela ne lui coûtait pas cher.