Ysole la regarda, étonnée.
Suavita semblait sommeiller déjà.
— Veux-tu ta morphine ? demanda Ysole qui, pour la seconde fois, tourna ses yeux impatients vers la pendule.
La fillette fit de la main un geste de consentement. Ysole se leva et alla vers la table de nuit où était la potion.
Pendant qu’elle s’éloignait, Suavita entr’ouvrit ses lèvres d’où tombèrent quelques paroles.
— Il n’est pas prince, lui ! disait-elle. Il souffre. Je voudrais être princesse, il ne souffrirait plus.
— Combien de gouttes ? demanda Ysole.
— Trois.
Ysole versa. Suavita poursuivait :
— Quand nous vînmes ici pour la première fois, il y a un mois, il s’accoudait à l’appui de sa pauvre croisée avec une femme en deuil, bien pâle, bien maigre, et qui semblait si faible ! Comme il l’aimait et comme il la regrette ! C’était sa mère ; elle est morte ; le voilà seul maintenant. Personne ne me l’a dit, mais je le sais.
Ysole revenait avec le breuvage. Suavita but et lui tendit son front en disant :
— N’oublie pas de m’éveiller, dès que notre père va venir.
Sa tête charmante se renversa dans les boucles de ses cheveux.
Pendant quelques minutes, Ysole contempla son sommeil léger, mais calme.
Sa pensée était ailleurs. La nuit se faisait. Ysole alluma elle-même une lampe et la posa sur la cheminée.
Puis elle alla ouvrir les persiennes pour jeter un long regard sur la ligne des quais. Ce fut à ce moment que Paul Labre la vit par la fenêtre de sa mansarde.