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Page:Féval - La Vampire.djvu/141

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LA VAMPIRE

plir ou promettre une réparation. Tout cela nous fut expliqué, car je n’ai point de secret pour ma femme, et ma femme ne sut pas être plus sévère que moi. Nous acceptâmes toutes les promesses de René de Kervoz ; nous reconnûmes la sincérité des explications qu’il nous donna. Il ne pouvait pas se marier maintenant ; le mariage fut remis à plus tard, et nous formâmes une famille.

C’était une belle et douce chose que de les voir s’aimer, ce fier jeune homme, cette chère, cette tendre jeune fille. Oh ! je ne vous empêche plus de rire. Il y a là, dans mon cœur, assez de souvenirs délicieux et profonds pour combattre tous les sarcasmes de l’univers !

Ils étaient là, le soir, entre nous. Je ne sais pas si ma pauvre femme n’aimait pas autant son René que son Angèle.

Il me semble que je les vois, les mains unies, les sourires confondus, lui soucieux parce qu’Angèle était bien pâle, malgré sa souffrance, heureuse d’être ainsi adorée.

Puis Angèle refleurit ; elle fut belle autrement et bien plus belle avec son enfant dans ses bras…

Ici, M. Berthellemot consulta sa montre à son tour, une montre élégante et riche.

— Heureusement que j’avais un peu congé ce soir, murmura-t-il. Vous n’êtes pas bref, mon voisin.

— Je le serai désormais, monsieur l’employé, répliqua Jean-Pierre en changeant de ton du tout au tout. Aussi bien, je plaide une cause gagnée ; votre excellent cœur est ému, cela se voit !

— Certes, certes… balbutia le secrétaire général.

— Je passe par-dessus les détails et j’arrive à la catastrophe. Voilà un mois, à peu près, notre petit ange avait six semaines, et sa jeune mère, heureuse, lui donnait le sein. René vint nous annoncer un soir que rien ne s’opposait plus à l’accomplissement de sa promesse, et Dieu sait que le cher garçon était plus joyeux que nous.

Il n’y a pas beaucoup d’argent à la maison, et René, pour le moment n’est pas riche. Cependant il fut convenu que la noce serait magnifique. Une fois en notre vie, ma pauvre femme et moi nous eûmes des idées de luxe et de folie. Ce grand jour du mariage d’Angèle, c’était la fête de notre bonheur à tous

Elle fut fixée à trente jours de date, cette chère fête, qui ne devait point être célébrée.

Angèle et René devaient être mariés après-demain.

Nous nous mîmes à travailler aux préparatifs dès ce soir-là, et ce soir-là, comme si le ciel nous prodiguait tous les bons présages, notre petit ange eut son premier sourire.