Page:Féval - La Vampire.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
LA VAMPIRE

le lieutenant de police qui succéda à M. Lenoir, comme je comptais m’asseoir, aujourd’hui dans le cabinet de M. le préfet Dubois.

Sévérin, dit Gâteloup, faisait ici allusion à la bizarre aventure qui est le sujet de notre précédent récit : la Chambre des Amours. On se souvient du rôle important que, sous son nom de Gâteloup, chantre à Saint-Sulpice et prévôt d’armes, il joua dans ce drame.

— Il n’y a pas besoin de nombreuses escouades, continua-t-il, pour relever une piste et pour mener une chasse. J’avais à venger la blessure qui empoisonna ma jeunesse, et j’avais à sauvegarder des enfants que j’aimais. J’étais jeune, hardi, avisé, quoique j’eusse le défaut de chercher parfois au fond de la bouteille l’oubli d’un cuisant chagrin… Maintenant je suis presque un vieillard, et c’est pour cela que je viens demander de l’aide.

Pas beaucoup d’aide : un homme ou deux que je choisirai moi-même. Cela n’affaiblira pas votre armée, monsieur l’employé, et cela me suffira.

Franz Koënig n’avait pas besoin d’écrire à Stuttgard pour toucher la forte somme dont je vous ai parlé : il possédait un crédit illimité sur la maison Mannheim et Co. À deux heures cette après midi, il a quitté ma salle ; à trois heures il sortait de la maison Mannheim et chargeait dans sa voiture deux cent cinquante mille thalers de Prusse en bons de la caisse royale de Berlin.

Voilà pourquoi, monsieur, je n’ai point employé le passé en prononçant le nom de Franz Koënig, comme je l’avais fait en parlant du comte Wenzel et du baron de Ramberg. C’est que le premier n’a peut-être pas encore eu le temps d’être tué, tandis que certainement les deux autres sont morts.

XVIII

UNE NUIT SUR LA SEINE

Après ces paroles, Jean-Pierre Sévérin resta un instant silencieux. Le secrétaire général jouait activement avec son couteau à papier, et réfléchissait en faisant de temps en temps craquer les jointures de ses doigts.

— Il faudrait être double, dit-il enfin, et triple et quadruple aussi pour accomplir seulement la moitié de la besogne qui est à ma charge, car dieu sait à quoi sert M. le préfet.