grande différence qu’il y a entre ce pauvre Dumolard, vampire des cuisinières, et don Juan grand seigneur. La statue du commandeur elle-même ne me semble pas plus forte que la guillotine.
Et s’il est un maraud capable de plaider la cause aux trois quarts perdue de la guillotine, c’est don Juan.
Passons à la troisième gravure en taille-douce, et qu’on me décerne un prix de mémoire !
Celle-là était la statue du commandeur, la guillotine, tout ce que vous voudrez.
Personne n’ignore qu’un bon vampire était invulnérable et immortel, comme Achille, fils de Pélée, à la condition de n’être point blessé à un certain endroit et d’une certaine façon. Le fameux vampire de Debreckzin vécut et mourut, pour mieux dire, pendant quatre cent quarante quatre ans. Il vivrait encore si le professeur Hemzer ne lui eût plongé dans la région cardiaque un fer à gaufrer rougi préalablement au feu.
C’est là une recette bien connue et qui, au premier aspect, ne nous semble pas dépourvue d’efficacité.
La troisième gravure montrait le vrai cercueil de Faust, où il reposait peut-être depuis des siècles, gardant la bizarre permission de se relever certaines nuits, de revêtir son costume de hussard, toujours propre et fort élégant, pour aller à la chasse de Marguerite.
Faust était là, le monstre ! avec ses yeux brillants et ses lèvres humides. Il buvait le sang de Marguerite, couchée un peu plus loin.
Les gens de la noce avaient, je ne sais trop comment, découvert sa retraite. On avait apporté un fourneau de forge, on avait fait rougir une vaillante barre de fer, et le fiancé la passait à deux mains, de tout son cœur, au travers de l’estomac du vampire, qui n’avait garde de protester.
Et Marguerite s’éveillait là-bas, comme si la mort de son bourreau lui eût rendu la vie.
Voilà ce que disait et ce que contenait mon vieux bouquin en trois petits tomes. Et je déclare que les articles des recueils savants ne m’en ont jamais tant appris sur les vampires.
J’ajoute que les badauds de Paris, en l’an 1804, étaient à peu près de notre force, au bouquin et à moi : ce qui donne la mesure de ce que pouvait être leur opinion au sujet de cet être mystérieux que la frayeur publique avait baptisé : la Vampire.