Andréa Ceracchi avait relevé la tête. Tout ce qui lui restait de vie était dans ses yeux ardents.
La comtesse lui serra la main et reprit :
— J’ai suivi votre conseil, Andrea. En livrant Cadoudal, nous gagnions quelques jours de sécurité. Qu’importe, si nous n’avons besoin que de quelques heures ? Cadoudal vaut mieux que cela. Au lieu de le vendre, nous userons de lui, et demain, César égorgé sera au rang des dieux.
— Je veux frapper ! dit Ceracchi d’une voix sombre. J’ai promis à mon frère de frapper.
De l’autre côté du rideau, la trappe se referma avec un bruit sourd.
— Voilà le troisième parti avec les deux autres ! s’écria le nègre.
Et il releva le rideau pour entrer, disant :
— Moi aussi, je veux frapper ! J’ai promis à mon maître de frapper.
— Vous frapperez tous, ceux qui voudront frapper ! s’écria la comtesse. Il y a dans cette gloire de la place pour mille poignards. Je hais l’homme bien plus que vous, puisque je l’admire et que je l’ai aimé à genoux : je le hais comme l’impie abhorre Dieu ! Moi aussi, je veux frapper : je ne l’ai promis à personne, je me le suis juré à moi-même !
Le docteur et le nègre baissèrent les yeux sous le foudroyant éclat de son regard.
— Quand vous êtes là, Addhéma, murmura Ceracchi, les doutes s’évanouissent, et l’on est tenté de croire en vous. Le sang versé est comme un poids sur ma conscience ; mais si mon frère est vengé, la joie guérira le remords… Que faut-il faire ?
— Que faut-il faire ? répéta le nègre en tendant à la comtesse un portefeuille et trois écrins.
— La dernière goutte de sang innocent a coulé, répondit-elle, et tu as gardé tes mains pures, Andréa Ceracchi. C’est le partage qui fait la complicité. Tu es resté pauvre au milieu de tes frères enrichis. Nous voici arrivés à l’heure suprême. Rends-toi une fois encore au lieu de nos réunions. Que la lampe de nos conseils s’allume encore une fois dans la maison solitaire, à qui l’histoire donnera peut-être un nom. Tous les frères de la Vertu seront présents ; ils ont été convoqués aujourd’hui même. C’est toi qui présideras, car je n’arriverai qu’au moment d’agir, et avec Georges Cadoudal lui-même…
— Ferez-vous cela ? s’écria Ceracchi, amènerez-vous le taureau du Morbihan ?
— J’engage ma foi que je ramènerai avant que la troisième