Aller au contenu

Page:Féval - La Vampire.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
LA VAMPIRE

Au bout d’une heure, la comtesse Marcian Gregoryi se leva en sursaut. Les pas avaient sonné dans la chambre voisine.

Elle prêta l’oreille avidement, on n’entendait plus rien.

Etait-ce une illusion ?

La belle blonde regagna sans bruit la porte dérobée et sortit comme elle était entrée. Ce fut seulement dans le corridor qu’elle ralluma sa lanterne sourde. La lueur de la bougie éclaira un objet qu’elle tenait à la main : un ruban noir, supportant une médaille d’argent de Sainte-Anne d’Auray.

La comtesse Marcian Gregoryi, regagna à pied sa voiture qui l’attendait toujours à l’autre bout du quai d’Anjou, près du pont Marie.

Il pouvait être alors deux heures après minuit. Elle se dit :

— Les Frères de la Vertu sont jugés !

— Rue Saint-Hyacinthe-Saint-Michel ! ajouta-t-elle en s’adressant à son cocher. Au galop !

Sa dernière pensée fut, en s’étendant sur les soyeux coussins : « Ce loup de Bretagne ne m’a rien fait ; mais il me fallait mes passeports… Demain, je dormirai dans mon lit »

Rue Saint-Hyacinthe-Saint-Michel, la voiture s’arrêta devant une petite allée borgne. La comtesse frappa à la porte. On ne répondit pas. Elle fit descendre le cocher et lui ordonna de cogner avec le manche de son fouet, ce qu’il fit.

Après dix minutes d’attente, une fenêtre s’ouvrit à l’entresol, immédiatement au-dessus de la porte de l’allée.

— À qui en avez-vous bonnes gens ? demanda la voix flûtée d’une grosse femme qui parut en déshabillé de nuit.

— Je veux voir le citoyen Morinière, marchand de chevaux, répondit la comtesse.

— Ah ! fit la voix flûtée, c’est une dame… Madame, à ces heures-ci, on n’achète pas de chevaux.

— Alors, le citoyen Morinière est ici ?

— Entendons-nous… il y demeure quand il vient à Paris, le cher homme, mais présentement, il traite une affaire de porcherons dans le pays de la Loupe, au-delà de Chartres… revenez dans huit jours et à belle heure.

La fenêtre de l’entre-sol se referma.

— Cognez ! ordonna la comtesse à son cocher.

Le cocher cogna si fort et si dru, qu’au bout de trois minutes la croisée de l’entre-sol s’ouvrit de nouveau.

— De par tous les diables ! dit la voix de la grosse femme, qui déjà n’était plus si flûtée, voulez, vous nous laisser dormir, oui ou non, mes bonnes gens ?

— Je veux voir le citoyen Morinière, répondit la comtesse.

— Puisqu’il n’est pas ici…

— Je crois qu’il est ici.