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Page:Féval - La Vampire.djvu/190

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LA VAMPIRE

— Diable de Breton ! grommela-t-il, si je le tenais, il passerait un méchant quart d’heure.

— Tais-toi ! prononça tout bas Gâteloup.

Il ajouta :

— N’est-ce pas qu’elle l’aimait bien ?

— C’est un ange du bon Dieu ! s’écria l’étudiant. Ah ! le coquin de Breton.

Jean-Pierre réfléchissait.

— Ce doit être ici la première lettre, dit-il, les yeux fixés sur le chiffon humide qu’il relisait pour la dixième fois. Celle-ci est peut-être la seconde :

« Je suis venue, et j’ai lancé le papier sur la fenêtre ; il y est resté, après avoir retombé bien des fois. Tu ne m’as pas répondu, tu ne l’as pas lu, René ! Que les heures sont longues ! Ma pauvre mère ne sait pas jusqu’à quel point je suis désespérée ; je n’ai rien dit à mon père, qui voudrait me venger, peut-être.

« Je n’ai parlé qu’à notre enfant. À celle-là, je dis tout, parce qu’elle ne peut pas encore me comprendre. Il y a des instants où ce bien aimé petit être semble deviner ma souffrance ; d’autres, son sourire me dit d’espérer.

« Espérer, mon Dieu !…

« Eh bien, oui ! j’espère encore, puisque je ne suis pas morte. Je n’ai pas lu beaucoup de livres, mais je sais qu’il y a des entraînements, des maladies de l’âme.

« Tu es entraîné, tu es malade, et cette enchanteresse ne t’a pas encore donné le temps de songer à ton enfant.

« Ce fut à Saint-Germain-l’Auxerrois, n’est-ce pas ? Je ne vis rien, mais quelque chose troubla ma prière. Je sentais en moi comme une sourde douleur. Mon cœur se serrait : la pensée de nos noces ne me donnait plus de joie.

« Elle était là, j’en suis sûre !

« Nos noces ! ce jour si ardemment souhaité, le voilà qui arrive ! Oh ! René ! René ! tu m’avais dit une fois : Ce serait un crime de mettre une larme dans ces yeux d’ange.

« L’ange est tombé. Etait-ce à toi de le punir ?

« En revenant de l’église, je ne te reconnaissais déjà plus. Je cherchais ta pensée. Je pleurai en montant notre escalier.

« Et j’attendis pour voir ta lampe s’allumer.

« La nuit entière se passa, René. J’étais perdue.

« Réponds-moi, ne fût-ce qu’un mot. Que fais-tu dans cette sombre maison ? Veux-tu que je te dise mon dernier espoir ? Tu conspires, peut-être…

« Ni mon père ni ma mère n’ont rien su par moi ; ce sont tes secrets. J’ai ouï parler aujourd’hui d’arrestation… Si je