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LA VAMPIRE

avait déjà mauvaise mine au temps où les royales vampires humaient le sang des capitaines à la tour de Nesle.

C’est le mélodrame qui le dit ; le mélodrame, vampire aussi, buvant dans son gobelet d’étain la gloire des rois et l’honneur des reines.

En 1804, au lieu où le boulevard s’évase en une vaste place irrégulière, regardant à la fois le Panthéon, le Luxembourg et le dos trapu de l’Odéon, c’était la rue Saint-Hyacinthe-Saint-Michel, plus irrégulière que la place, étroite, montueuse, tournante, et d’où l’on ne voyait rien du tout.

La maison où Georges Cadoudal avait établi sa retraite fut célèbre en ce temps et citée comme un modèle de tanière à l’usage des conspirateurs.

J’en ai le plan sous les yeux en écrivant ces lignes.

Elle avait appartenu quelques années auparavant à Gensonné, le Girondin, qui fit, dit-on, pratiquer un passage à travers l’immeuble voisin pour gagner la maison sortant sur la rue Saint-Jacques par la troisième porte cochère en redescendant vers les quais.

On n’ajoute point que ce passage ait été percé en vue d’éviter, à l’occasion, quelque danger politique.

Un autre passage existait, courant en sens inverse et reliant la maison Fallex (tel était le nom du propriétaire) à la cour d’une fabrique de mottes existant à l’angle rentrant de la place Saint-Michel, rue de la Harpe.

Ce deuxième passage, dont l’origine est inconnue et devait remonter à une époque beaucoup plus reculée, ne traversait pas moins de treize numéros ; sur ce nombre, il était en communication avec cinq maisons ayant sortie sur la rue Saint-Hyacinthe, et une s’ouvrant sur la place Saint-Michel.

De telle sorte que la retraite de Georges Cadoudal possédait neuf issues, situées, pour quelques-unes, à de très grandes distances des autres.

Il avait coutume de dire de lui-même : Je suis un lion logé dans la tanière d’un renard.

Lors du procès, il fut prouvé que la plupart des voisins ignoraient ces communications.

Georges Cadoudal n’usait guère que des deux issues extrêmes, encore n’était-ce que rarement. D’habitude, au dire des gens du quartier, qui le connaissaient parfaitement sous son nom de Morinière, il sortait et rentrait par la porte même de sa maison.

La police n’eut donc pas même l’excuse des facilités exceptionnelles que la disposition de sa retraite donnait à Georges Cadoudal.

Le 9 mars 1804, à sept heures du matin, un cabriolet de