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LE BOSSU.

» Quelqu’un me portait dans ses bras. Une voix de tonnerre me fit trembler. — Nous courûmes dans l’obscurité. — J’avais froid…

» Il y a une brume autour de tout cela. — Mon ami doit tout savoir ; mais, quand je l’interroge sur mon enfance, il sourit tristement et se tait.

» Je me vois pour la première fois distinctement habillée en petit garçon dans les Pyrénées espagnoles. Je menais paître les chèvres d’un quintero montagnard qui nous donnait sans doute l’hospitalité. Mon ami était malade et j’entendais dire souvent qu’il mourrait. Je l’appelais alors mon père.

» Quand je revenais le soir, il me faisait mettre à genoux près de son lit, joignant lui-même mes petites mains et me disait en français :

» — Aurore, prie le bon Dieu pour que je vive.

» Une nuit, le prêtre vint lui apporter l’extrême-onction. Il se confessa et pleura.

» Il croyait que je ne l’entendais pas ; il dit :

» — Voilà ma pauvre petite fille qui va rester seule !

» — Songez à Dieu, mon fils ! exhortait le prêtre.