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LE BOSSU.

serait libre, il serait tranquille, il serait heureux !

Dona Cruz l’écoutait et ne la comprenait pas.

— Pourquoi, reprit Aurore en essuyant une larme, pourquoi n’ai-je pas fait hier ce que je médite aujourd’hui ?… Pourquoi ne me suis-je pas enfuie de la maison ?… Pourquoi ne suis-je pas morte ?…

— Que dis-tu là !… s’écria la gitanita.

— Tu ne peux savoir, Flor ma sœur chérie, la différence qu’il y a entre hier et aujourd’hui… J’ai fait un rêve, depuis hier… J’ai vu s’entr’ouvrir pour moi le paradis… Une vie tout entière de belles joies et de saintes délices m’est apparue… Il m’aimait, Flor !

— Ne le sais-tu donc que depuis hier ? demanda dona Cruz.

— Si je l’avais su plus tôt, Dieu seul peut dire si nous eussions affronté les inutiles dangers de ce voyage… Je doutais… J’avais peur… Oh ! folles que nous sommes, ma sœur !… Il faudrait frémir, et non s’extasier, quand s’offrent à nous ces grandes allégresses qui feraient descendre sur terre les félicités… Cela est impossible, vois-tu… Le bonheur n’est point ici-bas.

— Mais qu’as-tu résolu ? interrompit la gitanita dont la vocation n’allait point dans le sens du mysticisme.