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LE BOSSU.

manda M. de Rohan-Chabot avec un mouvement d’impatience.

Le bossu demeura un instant pensif. Sa tête s’inclina sur sa poitrine. Puis, se redressant tout à coup, et laissant échapper un éclat de rire sec :

— Croyez-vous aux revenants ?… demanda-t-il.

Le fantastique ordinairement n’existe point hors d’un certain milieu. Les soirs d’hiver, dans une grande salle de château dont les fenêtres pleurent à la bise, autour d’une haute cheminée de chêne noir sculpté, là-bas, dans les solitudes du Morvan ou dans les forêts de Bretagne, on fait peur aux gens aisément avec la moindre légende, avec la moindre histoire. Les sombres boiseries dévorent la lumière de la lampe qui met de vagues reflets aux dorures rougies des portraits de famille. Le manoir a ses traditions lugubres et mystérieuses ; on sait dans quel corridor le vieux comte revient traîner ses chaînes, dans quelle chambre il s’introduit quand l’horloge tinte le douzième coup, pour s’asseoir devant l’âtre sans feu et grelotter la fièvre des trépassés.

Mais ici, au Palais-Royal, sous la tente indienne, au milieu de la fête des écus, parmi les éclats de rire douteurs et les sceptiques