Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/118

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Otto l’ouvrit précipitamment. Sa main tremblait et il y avait comme un voile au-devant de sa vue.

Les camarades, obéissant à un sentiment de discrétion qui est dans le caractère allemand, s’étaient éloignés et avaient repris, pour la plupart, leurs places autour des tables.

Les trois frères étaient restés seuls auprès de la porte avec le chasseur Klaus.

— C’est de notre sœur, dit Otto à voix basse, en dépliant la lettre, — et cet homme dit qu’il s’agit de vie et de mort !…

Albert et Goëtz se serraient à ses côtés pour tâcher de lire en même temps que lui.

La lettre ne contenait que trois ou quatre lignes.

« Mes frères bien-aimés, avait écrit la pauvre Margarethe, — si Dieu permet que vous receviez à temps mon message, je vous prie de venir à mon secours. Les gens qui m’entourent et qui me faisaient peur autrefois, me font horreur aujourd’hui… Ils ont parlé tandis qu’ils me croyaient endormie : ce sont les assassins de notre père et je crois qu’ils veulent me tuer !… »

Albert et Goëtz poussèrent un cri d’angoisse. Otto demeura comme foudroyé.

— Ils veulent la tuer ! répéta-t-il sans savoir qu’il parlait ; — la tuer !… comme ils ont tué notre père !

— Elle est déjà bien changée, dit Klaus ; — et si vous ne l’avez point vue depuis le temps où elle souriait, si heureuse et si belle, dans le château du comte Ulrich, vous aurez peine à la reconnaître… Mais hâtez-vous, au nom de Dieu, car la route est longue et le temps presse !…

Otto tressaillit comme au sortir du sommeil.

— Goëtz, dit-il, demandez des chevaux.

Goëtz demeura immobile.

— Des chevaux ! des chevaux ! répéta Otto, — chaque minute vaut une heure.

Le visage de Goëtz, si insouciant naguère, exprimait à présent une angoisse profonde.

— Je suis un misérable, indigne de pardon ! murmura-t-il avec déses-