Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/130

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Le Hollandais cligna de l’œil d’une façon toute réjouie.

— L’or se mitonne, répliqua-t-il ; — si vous ne le voyez pas avant deux heures d’ici, je vous jure bien que vous ne le verrez jamais !

Gunther referma les yeux sur cette douce espérance ; mais Zachœus vint le secouer de l’autre côté.

— Allons, comte, lui dit-il, ce n’est pas seulement de l’or que nous attendons cette nuit… Levez-vous bien vite, et venez voir l’héritier de Bluthaupt.

Gunther fit un effort pour se soulever ; mais, dès qu’il fut sur ses jambes, sa gorge râla, et ses yeux battirent, aveuglés.

— Oh !… oh ! murmura-t-il en retombant vaincu sur son fauteuil, — l’or et l’enfant ! je crois que je vais mourir de joie !

Sa main tremblante saisit le gobelet posé au-dessus de lui.

— Je suis bien faible, reprit-il d’une voix à peine intelligible ; — jamais je ne m’étais vu si faible !… Mon sang, refroidi, s’arrête dans mes veines… Un peu de vie, docteur !… La mort m’approche de bien près, quand je suis si longtemps sans boire de votre breuvage…

Il tendit le gobelet qui remuait dans sa main amollie.

— Versez à boire, meinherr Van-Praët, répondit de loin le docteur. — Je ne puis quitter madame la comtesse.

Le Hollandais prit l’anse du vase où chauffait l’élixir de vie ; il en versa une double dose dans le gobelet.

Le comte but avidement, comme toujours. Tout ce qui lui resta de sang vint à sa joue, qui s’empourpra.

— La dose était trop forte ! murmura Nesmer.

— Bah ! répliqua le Hollandais ; ce qui est bon ne fait jamais de mal !…

Gunther se leva galvanisé. Il put gagner sans secours le lit de la comtesse, dont les rideaux retombèrent sur lui.

À ce moment la comtesse poussa un cri plus aigu.

— C’est un fils, dit Mira sous les rideaux.

— Un fils ! un fils ! un fils ! répéta le vieux Gunther avec folie. — Ouvrez ces rideaux ! allumez tous les candélabres du schloss ! Faites venir tous mes vassaux jusqu’au dernier, pour qu’ils saluent à genoux l’héritier de Bluthaupt !