Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/167

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— Non, non ! interrompit la jeune fille, je reviendrai…

Comme elle prononçait ce mot, son regard se tourna vers la rue du Temple, et sa main ramena précipitamment son voile sur sa charmante figure, qui devint toute pâle. Elle venait d’apercevoir la dame du coupé qui traversait rapidement le carré.

— Ma sœur ! dit-elle avec effroi ; je vous en prie, madame, ne me vendez pas !

— Fi donc, s’écria madame Batailleur, qui la salua d’un sourire tout aimable, pendant qu’elle se perdait dans la foule ; je suis la discrétion personnifiée, ma chère demoiselle !…

Elle accueillit l’autre dame avec le même sourire, et son doigt perfide désigna la jeune fille qui fuyait.

— À merveille ! dit la mante modeste dont les lèvres se pincèrent.

— C’est la même chose tous les jours… murmura la marchande.

Pendant cela notre voyageur restait toujours à son poste. Plusieurs fois, le hasard avait ouvert d’étroits passages entre les voitures, et il aurait pu en profiter ; mais quelque chose le retenait sans doute, maintenant, au coin de la rue des Fontaines. Il s’était approché le plus près possible de la muraille, et son attention, détournée, avait changé d’objet. Quelques paroles, prononcées par le ci-devant jeune homme au paletot blanc et son compagnon, l’avaient frappé.

Il écoutait.

— Vous êtes un excellent garçon, Verdier, disait l’homme su paletot blanc. Soyez tranquille… je me charge de vous faire faire votre chemin dans le commerce.

— C’est que vous m’avez dit cela déjà trois ou quatre fois, monsieur le chevalier, et Dieu sait si j’ai fait fortune !

L’homme au paletot blanc prit un ton paternel :

— De mauvaises habitudes, Verdier, mon enfant ! répliqua-t-il. — Il faut être juste… Vous avez maintenant une tenue passable… mais il n’y a pas longtemps !… je vous parle d’un mois à peine : vous sentiez l’estaminet d’une lieue… et c’est le diable, voyez-vous, quand on sent l’estaminet, il n’y a rien à faire !