Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/192

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encore la vigueur vive de la jeunesse. Sa figure était toujours ouverte et franche comme autrefois : ses cheveux abondants et frisés commençaient à grisonner. C’était la seule trace qu’eussent laissée sur sa personne les années écoulées. On voyait qu’il avait souffert ; mais l’ancienne gaieté de sa physionomie n’avait point disparu, tant s’en faut, et il pouvait tenir sa bonne place encore dans une réunion de joyeux compagnons.

Franz dénoua son paquet et se mit en devoir d’étaler sur sa table les objets qu’il contenait.

Hans regarda les habits et ne regarda point le jeune homme.

Il y avait un manteau, un costume noir complet, plusieurs gilets et des cravates.

Hans déplia le manteau et en fit sonner le drap ; il examina les poignets et le collet de l’habit, parties faibles et qu’il faut éprouver tout d’abord, quand on est fripier et qu’on sait son état. Il donna un coup d’œil aux gilets et aux cravates, pour mémoire, puis il prononça les paroles sacramentelles : Combien voulez-vous de cela ?

— Deux cent cinquante francs, répondit Franz.

Hans repoussa le tout et reprit sa plume.

— J’en donnerai la moitié, dit-il.

— Moitié ! s’écria le jeune homme indigné ; tout cela est neuf et j’en ai eu pour mille francs !

— Cela prouve que les tailleurs sont de fiers brigands ! répliqua Hans. Moi, je vous ai dit mon dernier mot.

— Cent vingt-cinq francs ! murmura le jeune homme d’un ton de désolation.

Les doux yeux de la jolie Gertraud exprimait de la pitié.

— Je ne puis pas faire davantage, reprit le marchand d’habits ; si vous voulez essayer d’un autre, allez à la Rotonde… le bureau du vieil Araby n’est peut-être pas encore fermé… il vous donnera trois louis de toutes vos nippes… mais vous aurez la faculté de les racheter pour cinq cents francs, si le cœur vous en dit… Au plaisir de vous revoir !

Franz tâtait son manteau, puis son beau frac noir tout neuf, puis ses brillants gilets. Hans Dorn était tout entier à ses comptes ; il n’avait pas encore daigné relever son regard sur sa pratique suppliante.