— Ah ! ah ! dit Hermann, ça fera une jolie épousée !… et si j’étais moins vieux de vingt ans…
— C’est encore une enfant, répondit Hans, nous avons tout le temps de songer à cela.
— Eh ! eh ! fit le sceptique Johann, il n’y a plus d’enfants, voisin Hans… et la petite Gertraud a déjà des yeux !… Je sais bien ce que je dis.
— Elle a des yeux et de l’argent, reprit Hermann. Vous trouverez quelque bon garçon, père Hans, qui lui apportera un état vaillant et des économies… pas de bêtises, voyez-vous ! Il faut quelques sous pour entrer en ménage ; et quand on n’a rien, l’amour ne vaut pas le diable !
— Nib de braise ! dit une voix pleureuse auprès de la porte, — Jean Regnault n’a pourtant pas le sou…
Chacun se tourna vers l’endroit d’où partait la voix, et l’on aperçut Geignolet, couché sous sa table et suçant paisiblement son verre d’eau-de-vie.
Johann cligna de l’œil en regardant les convives et se prit à rire.
— Je ne voulais pas vous parler de cela, voisin Hans, dit-il ; mais il paraît que le pauvre Jean approche votre fille de plus près qu’il ne faudrait.
— Jean est un digne enfant, répliqua le marchand d’habits ; — il soutient courageusement sa famille… mais j’avoue que je voudrais un autre gendre pour ma petite Gertraud.
— Parbleu ! fit en chœur l’assemblée.
Geignolet se glissa hors de son abri, et se mit à cheval sur un banc.
— Hue ! cria-t-il joyeusement, dès qu’il eut pris possession de sa monture ordinaire, — hue ! bourrique !…
Puis il ajouta sur un mode plaintif :
— Geignolet a grand’soif… mais il sait bien ce que son frère Jean dit à mam’zelle Gertraud.
— Entendez-vous ? s’écria Johann.
— Oui, oui, reprit Geignolet, et, tous les soirs, mam’zelle Gertraud monte un gandain[1] au vieux Hans.
- ↑ Tromper, en faire accroire.