Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/249

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Celle-ci rapprocha son fauteuil de la table, et se serra tout contre Reinhold.

— Et notre jeune homme ?… reprit-elle à voix basse ; est-ce fini ?

— Quel jeune homme ? demanda le chevalier.

— Le fils du diable ?…

Reinhold tressaillit et regarda en dessous le docteur, qui faisait mine d’être tout à son jeu.

— Eh bien !… fit madame de Laurens, êtes-vous muet ?…

— Belle dame… balbutia Reinhold, j’ignorais que vous fussiez au fait…

— Je suis au fait de tout, chevalier !… je sais bien des choses sur vous et sur d’autres…

— Avec vous, repartit galamment le chevalier !… je sais bien qu’il est difficile de garder un secret… mais il y a des choses qu’il vaudrait mieux ne point dire aux dames…

Petite haussa les épaules avec impatience.

— Cela me regarde autant que vous, Monsieur, dit-elle, et je suis, croyez-moi, tout aussi incapable que vous de commettre une imprudence… D’ailleurs, je ne connais point ce jeune homme… j’approuve complètement le moyen imaginé par vous pour l’envoyer là-bas, dans les domaines de son père…

— Comment ? son père ? répéta Reinhold qui ne comprenait point.

— Le diable ! grommela le docteur, enchanté de cette plaisanterie sinistre.

Reinhold était mal à l’aise. Les paroles de madame de Laurens avaient trait à Franz et à la mission confiée à Verdier. Le chevalier s’était avancé dans cette affaire au delà des limites que lui prescrivait sa prudence habituelle. Il avait payé de sa personne, et s’était mis en rapport direct avec le spadassin chargé d’attirer le jeune Franz dans une lutte inégale.

Cette démarche, divulguée, pouvait le mener très-loin. Et voilà que son secret était entre les mains d’une femme !

D’une femme qui, d’un instant à l’autre, pouvait devenir son ennemie, qui l’était déjà peut-être, et qui, sous le manteau drapé habilement de sa réserve digne, était habituée à tout oser !

Mais il n’était plus temps de feindre. Sara savait, il fallait l’accepter