chée derrière le voile immobile de sa physionomie, devenait visible.
— Vous aimez donc bien !… prononça-t-il d’une voix rauque et pleine d’angoisse.
— Oui, répondit Sara.
Un éclair s’alluma dans l’œil cave du docteur, et sa joue creuse devint plus livide…
Petite lui lâcha le bras tout à coup, et partit d’un pétulant éclat de rire.
C’était un bruit inusité dans le grave salon de Geldberg.
Abel coupa en deux un bâillement pour voir ce dont il s’agissait ; Esther se retourna endormie à demi ; Reinhold se rapprocha, et l’agent de change sourit de confiance.
Le docteur demeurait droit comme un piquet, surpris et interdit.
Sara continuait de rire de tout son cœur.
— Ah !… ah !… ah ! s’écria-t-elle enfin en se laissant tomber sur un fauteuil. — Le docteur est charmant !… Léon, savez-vous ce qu’il me disait ?… Je vous le donne en mille !
L’agent de change n’avait garde de deviner. Il renonça.
Petite continuait de rire.
— Le docteur, reprit-elle en coupant ses mots comme si son accès de gaieté l’eût épuisée, — le docteur veut me conduire au bal masqué !
Mira recula de trois pas.
— Bravo ! dit Abel.
— Bravissimo ! appuya Reinhold.
— Eh bien ! s’écria l’agent de change égayé franchement, pourquoi non ?
Le docteur avait repris son immobilité roide ; ses yeux étaient baissés et n’osaient point se relever. Il n’avait vraiment pas l’air d’un danseur.
— Vous vous moquez de moi, monsieur de Laurens, dit-il en remuant à peine ses lèvres pâlies ; — mais je ne vous en veux pas, car si l’on me raille on vous tue !…
Ces derniers mots se perdirent en un murmure indistinct…
Neuf heures sonnèrent à la pendule.
C’était la fin de la faction. Abel se frotta les mains ; Esther s’éveilla ; Lia ferma son livre.