Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/255

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Le regard de Petite se fit plus doux et presque tendre.

— Pauvre Léon ! murmura-t-elle, que vous êtes bon, et que je voudrais vous faire heureux

— Cela vous serait si facile, Sara !… Un mot, un regard, un sourire, un rien !… tout ce qui me vient de vous me donne du bonheur.

La tête de Petite se pencha sur son épaule, et ses doux cheveux noirs vinrent frôler la joue de l’agent de change, qui pâlit, tant il avait de joie.

— Vous êtes beau, Léon, murmura-t-elle ; vous êtes bon, noble et généreux… vous avez tout ce qu’il faut pour être aimé !

M. de Laurens mit la main sur son cœur, qui battait délicieusement.

La voix de Petite prit des inflexions encore plus tendres.

— Sais-je, moi, poursuivit-elle en secouant sa jolie tête avec lenteur ; — pourquoi je ne vous aime pas !

L’agent de change tressaillit, et un frisson courut par ses veines, comme s’il eût reçu un coup de poignard dans la poitrine.

Petite abaissait toujours sur lui son regard suave et tranquille.

Ce regard était comme le poison, qui reste dans la blessure après le coup porté.

— Vous êtes cruelle ! dit M. de Laurens avec un accablement profond, mais sans colère. — Vous savez bien que vous me tuez, Sara… Ayez une fois pitié, je vous en conjure, et ne me dites plus ces paroles qui me font tant souffrir !…

Sa figure, tout à l’heure encore si régulière, se contractait maintenant en de brusques secousses. Sa paupière subissait des tiraillements soudains, et son front se couvrait de rides.

Petite souriait doucement.

— Je suis franche, dit-elle, et c’est mal de m’en vouloir, parce que je me confesse à vous !… Mais ne parlons plus de cela, puisque ce sujet vous blesse… ouvrez la fenêtre, je vous prie.

L’agent de change obéit sans demander pourquoi.

Tandis qu’il gagnait la croisée, l’œil de Petite le suivait par derrière. Elle gardait toujours sa pose nonchalante et abandonnée ; mais il y avait maintenant dans sa prunelle une flamme sournoise et méchante.