Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/315

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entre son mari et son enfant ; Margarethe avait laissé un fils qui ne connaissait point sa mère.

Gertraud était là, protégée et chérie, Gertraud l’enfant d’un pur amour, la seule joie de son père !

Mais où était en ce moment l’héritier de Bluthaupt ?…

Hans sentait un frisson courir en lui de veine en veine.

Le dernier fils de Bluthaupt, à cette heure-là même, était peut-être à mourir…

Hans s’asseyait sur la couverture de laine de son lit. Sa bonne figure était pâle, ses yeux s’effrayaient ; ses mains froides se croisaient sur ses genoux.

Des fantômes passaient à chaque instant devant sa vue troublée.

C’était un beau jeune homme, à la figure délicate et féminine, qui tenait à la main une grande épée, trop lourde pour son bras. Une autre épée venait croiser la sienne ; l’oreille de Hans tintait et entendait comme un grincement de fer. Le jeune homme tombait, et son visage pâle se renversait dans ses grands cheveux blonds, comme la tête de Margarethe mourante…

Une sueur glacée coulait le long des tempes de Hans. Il joignait les mains et il prononçait le nom du baron de Rodach, comme on implore la Providence dans la détresse suprême…

De l’autre côté de la cloison, Gertraud serrait son corset dans sa petite chambre proprette. Sa main mignonne et potelée pesait à peine sur le lacet, et la toile, tendue sans effort, dessinait les jeunes perfections de sa taille.

Ses reins souples se cambraient ; sa bouche rose souriait à son étroit miroir.

La toilette de Gertraud n’était pas bien longue. Un cordon détaché laissa tomber la brune richesse de ses cheveux, qui vinrent inonder à longs flots sa gorge et ses épaules. Les dents du peigne passèrent deux ou trois fois à travers ces ondes soyeuses ; puis elle les saisit de sa main, trop étroite pour contenir leur prodigue abondance, et les roula derrière sa tête.

Une robe, lestement agrafée, recouvrit son corset blanc.

Elle était prête.

Avant de vaquer aux soins de son petit ménage, elle alla coller son œil