Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/319

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Elle avait au dehors la même physionomie que sa voisine ; elle avait même une physionomie plus pauvre, s’il est possible. Au-devant de la porte, pendaient, à demeure, un pantalon rouge, orné d’une bande d’azur, et deux ou trois habits bleus, avec des broderies de cuivre.

C’était l’enseigne, et l’enseigne mentait.

Mais chacun savait au Temple ce que vendait le maître de cette loge, et les haillons de l’étalage ne trompaient personne.

Quand on avait passé sous les pantalons et les vieux habits qui se balançaient au vent depuis des années comme des pendus à une potence, on se trouvait dans une petite antichambre de forme carrée, et l’on avait devant soi une forte cloison de chêne, percée d’un trou en demi-lune.

La cloison avait une porte, mais cette porte était toujours fermée. Derrière la cloison, depuis dix heures du matin jusqu’à quatre heures de l’après-midi, se tenait un vieillard nommé Araby, qui prêtait sur gages et garanties, et qui rendait aux marchands du Temple les mêmes services que certains banquiers philanthropes rendent au pauvre commerce de Paris.

Seulement les banquiers font leur trafic en plein jour et se fâchent quand les victimes les appellent usuriers. Araby, lui, ne se montrait guère ; il arrivait à bas bruit tous les jours à la même heure, se glissait dans son trou et n’en sortait plus.

On avait cru longtemps qu’il couchait derrière cette cloison de planches, qui défendait l’accès de son sanctuaire. À quatre heures, quatre heures et demie, le trou percé en demi-lune, qui lui servait de bureau, se fermait, ainsi que la porte d’entrée, donnant sous le péristyle.

Mais on ne voyait point Araby se retirer.

Peut-être attendait-il la nuit ; peut-être s’esquivait-il par quelque autre côté de la Rotonde : ce qui est certain, c’est que le lendemain, vers neuf heures et demie, on l’apercevait, marchant d’un pas mal assuré, mais vif et rapide encore, le long des rues du Puits et de la Petite-Corderie. Il débouchait par cette dernière, sur la place de la Rotonde, et gagnait son trou immédiatement.

On connaissait Araby comme le loup blanc dans le marché et aux alen-