Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/397

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins, car on nous promet des bals délicieux, quelques habits simples et de bon goût pour la promenade… votre uniforme pour les grandes occasions… et puis… voyons, est-ce tout ?

— Je crois que c’est tout, répliqua l’enseigne en souriant.

— C’est que, mon cher enfant, répliqua madame d’Audemer avec gravité, — rien n’est ridicule comme d’être pris au dépourvu… Tous les tailleurs de Paris ont des noms allemands, mais cela ne veut pas dire qu’il y ait des tailleurs en Allemagne… et pensez donc, Julien ! au milieu de cette réunion brillante, il faut que nous fassions figure… votre mariage dépend probablement de l’effet que vous produirez à Geldberg.

— Mon mariage ! répéta l’enseigne, dont les sourcils se froncèrent.

La vicomtesse le regarda d’un air surpris et chagrin.

— Auriez-vous changé d’avis ? demanda-t-elle.

Et comme Julien tardait à répondre, elle reprit avec volubilité :

— Certes, mon cher enfant, c’est une action sérieuse ; et la fortune n’est pas tout dans un ménage… Mais, réfléchissez, je vous en conjure… Pour donner des fêtes pareilles, il faut vraiment rouler sur des millions !

Julien gardait encore le silence. Madame d’Audemer ajouta, d’un accent emphatique et pénétré :

— J’ai fait le calcul ; au bas mot, cela ne peut pas leur coûter moins de quatre cent mille francs !

Julien rêvait.

— On dit qu’elle est toujours bien belle !… murmura-t-il.

La vicomtesse se prit à sourire. Elle était rassurée…

Deux grosses larmes s’échappaient de la paupière de Denise, et roulaient lentement sur sa joue.

Depuis quelques minutes, la pauvre enfant était seule avec elle-même. Des idées navrantes l’assaillaient et lui brisaient le cœur. — À ce moment où, trop faible contre son martyre, elle cessait de combattre et laissait des larmes emplir ses yeux brûlants, la porte du salon s’ouvrit.

— La brodeuse Gertraud demande à parler à Mademoiselle, dit une femme de chambre qui était sur le seuil.

Denise se lève précipitamment, heureuse de pouvoir cacher ses larmes.

La vicomtesse et son fils restèrent en tête à tête.