Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/408

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Il semblait que le hasard prenait à tâche de réaliser le plus complètement possible la prédiction de madame d’Audemer. Les jolis yeux de Denise pétillaient de contentement. Julien avait beau rappeler ses souvenirs d’enfance, jamais il ne l’avait si joyeuse ni si belle.

Sa mère et lui échangèrent un regard. Le sien n’exprimait que de la surprise ; celui de la comtesse triomphait.

— Que vous disais-je !… murmura-t-elle.

Denise traversa le salon d’un pas leste et bondissant, et vint donner son front à madame d’Audemer ; puis elle se jeta au cou de Julien, qu’elle embrassa de tout son cœur.

— Mon frère ! mon bon petit frère ! s’écria-t-elle, que je suis aise de vous voir !…

— Que disais-je ?… murmura encore la comtesse.

Et, de fait, mademoiselle Lenormand elle-même n’aurait pas plus exactement pronostiqué.

— Ah çà, qu’aviez-vous donc ce matin, petite sœur ? demanda Julien, tout en lui rendant caresse pour caresse.

— Je souffrais, répliqua Denise ; je souffrais tant, que je ne sentais rien.

— Et mademoiselle Gertraud, ajouta la vicomtesse avec un accent de bienveillante moquerie, — vous a sans doute apporté un remède souverain ?

Ces paroles prononcées au hasard, exprimaient si complètement la vérité, que Denise devint toute rose. La comtesse ne savait pas si bien dire ; Gertraud, en effet, avait apporté un souverain remède.

Elle avait parlé de Franz… de Franz qui était sauvé…

Denise balbutia des paroles inintelligibles, elle se croyait devinée.

— Et pourrait-on connaître, chère petite, reprit la vicomtesse, — ce baume miraculeux qui a si vite calmé votre souffrance ?

La rougeur de mademoiselle d’Audemer s’épaissit davantage.

— Je ne sais ce que vous voulez dire, Madame, répliqua-t-elle tout bas ; — Gertraud m’a apporté la broderie que je lui avais commandée, pour les fêtes du château de Geldberg.

La vicomtesse éclata de rire.